Questionnements sur les arts sonores

Édition 2023. À venir

Son-Espace-Temps

Communications – Édition 2022

  • Robert Normandeau: L’influence de l’espace sur le temps

Quand on travaille en musique acousmatique avec des dispositifs de projection sonore multiphonique, la dimension réelle de ceux-ci ont une très grande influence sur la perception musicale. Alors qu’on pourrait imaginer à priori qu’un dôme de haut-parleurs serait à peu près équivalent sur ce plan à un autre dôme de dimension différente, nos expériences de perception démontrent le contraire. Les dimensions physiques du dispositif influencent la perception de la dimension spatiale virtuelle réalisée en studio. Nous n’en sommes qu’au début de l’exploration et de la connaissance de ce sujet. Nous ferons part de deux enquêtes différentes de perception que nous avons tenues en 2018 et 2019 sur les trois dômes de la faculté de musique de l’Université de Montréal.

  • Nicolas Reeves: Musique pour un temps immobile

De nombreuses comparaisons ont été tentées au cours des siècles entre la musique et l’architecture, et ce par des noms parfois prestigieux : Vitruve, Palladio, Novalis, Liszt, Gœthe, Wright… Toutes se basent sur une analogie approximative mais parlante, qui déclare que la musique est au temps ce que l’architecture est à l’espace. Certes, la musique se déroule dans le temps, l’architecture se parcourt dans l’espace, et la trajectoire du visiteur au sein d’une architecture majeure peut être vue comme la contrepartie spatiale de la partition d’une œuvre musicale. La réalité n’est toutefois pas si simple : un examen plus approfondi révèle rapidement la relation intime de l’architecture au temps, et le rôle primordial de l’espace pour toute musique. Il devient alors possible d’inverser les termes de cette analogie pour imaginer des structures architecturales inscrites uniquement dans le temps, et des compositions musicales uniquement construites dans l’espace. Nous présenterons ici un exemple de cette seconde proposition, par le biais d’une installation interactive présentée en 2017 et 2019 au sein de deux architectures majeures.

Nicolas Bouillot: Création d’espaces immersifs

Le Metalab de la Société des arts technologiques et l’Orchestre Symphonique de Montréal conduisent présentement des travaux de recherche visant à explorer la création d’espaces immersifs permettant la navigation en direct de participant.e.s dans le paysage sonore produit par l’orchestre.
La présentation sera composée de démonstrations illustrant les travaux de captation sonore, de rendu de navigation virtuelle en 6 degrés de liberté, de captation/synthèse de l’acoustique de la Maison Symphonique de Montréal et de prototypage d’expériences immersives. 

Sandeep Bhagwati: Comment écouter ces temporalités trans-humaines? Musiquer et composer en toute conscience de l’Anthropocène

L’une des réalités les plus insaisissables du monde non humain est son abondante variété d’échelles de temps. Le large éventail de temporalités de nos environnements géologiques, nucléaires et informatiques ne correspond pas facilement à la vitesse des réactions chimiques qui déterminent les perceptions et les actions humaines. Comment pouvons-nous, nous, êtres éphémères, espérer comprendre, ressentir et réagir à la réalité temporelle de nos interactions avec cette planète ? Surtout lorsque les conséquences de nos décisions à court terme arrivent si progressivement que nous ne pouvons pas vraiment les « sentir » ? La musique et les pratiques d’écoute qu’elle encourage peuvent-elles nous aider ? Déjà, au cours des siècles de polyphonie et de contrepoint, nous avons commencé à développer un sens de la coexistence des émotions musicales dans différentes lignes temporelles parallèles. Au lieu de lire des courbes, des tableaux et des textes, pourrions-nous apprendre à habiter les temporalités du changement climatique et de l’anthropocène en apprenant à les écouter ?

Conférenciers:

  • Robert Normandeau, compositeur, professeur de composition électroacoustique à l’université de Montreal, et dirige le Groupe de Recherche Immersion Spatiale (GRIS).
  • Nicolas Reeves, diplôme du Massachusetts Institute of technology, formé en architecture et en physique, et créateur-chercheur à l’école de Design de l’Université du Québec à Montréal.
  • Nicolas Bouillot, co-directeur de recherche à la Société des Arts Technologiques de Montréal
  • Sandeep Bhagwati, compositeur, directeur de théâtre, artiste médiatique, dirige le Matralab, centre de recherche-création pour les arts interculturels et interdisciplinaires.
  • Emmanuelle Lizère, modératrice.

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Interactions Son-Musique-Mouvement

Édition 2022

Nous faisons le constat actuellement d’un intérêt grandissant pour prendre en compte la dimension incorporée de la perception musicale. A ce sujet, Leon Fleisher (1928-2020), l’un des pianistes et pédagogues les plus importants du XXe siècle, percevait la musique et son potentiel expressif comme étant indissociables d’une imagerie interne des forces agissant sur le mouvement dans l’espace.
Lors de cette séance, nous présenterons différentes perspectives sur l’interaction son-musique-mouvement, à partir de recherches menées à Montréal par des musiciens, des analystes du mouvement en danse et des danseurs-musiciens.
La recherche postdoctorale de la pianiste Justine Pelletier vise à mettre en lumière la dimension expressive du mouvement évoqué par l’interprétation musicale de courtes pièces pour piano qu’elle interprète elle-même. Le cadre de l’Observation-analyse du mouvement (OAM) – élaboré par les analystes du mouvement en danse, Nicole Harbonnier et Geneviève Dussault – a servi de base commune à l’analyse expressive de la musique et à l’écriture d’une partition des qualités dynamiques du mouvement servant de guide à l’incorporation des prises d’appuis, des respirations et des élans de la musique par le mouvement dansé. L’illustration dansée de cette étude sera présentée par les deux danseurs Myriam Arseneault et Antoine Turmine.
Une autre utilisation de l’OAM est aussi proposée par Nicole Harbonnier et Geneviève Dussault pour étudier l’influence de la dynamique corporelle des gestes du chef de chœur sur le résultat musical des choristes. Six chefs de chœur se sont prêtés à l’expérience de diriger quatre courtes œuvres (Fair Phyllis I saw sitting all alone de John Farmer ; She’s like the swallow de William Lock ; En hiver de Paul Hindemith ; Locus Iste de Anton Bruckner) avec le même chœur (Chœur de chambre du Québec), permettant à l’équipe de recherche de repérer les singularités corporelles et musicales de chaque chef.
Antoine Turmine, danseur formé à la gigue québécoise et à la danse contemporaine, développe une danse percussive où se mêlent gestes et sons dans une inspiration mutuelle explorant les transformations subtiles du groove.
La violoniste Annabelle Chouinard, de son côté, amorce, dans son projet de création Bach en corps, une recherche sur le rôle de l’interprète en musique classique à travers une exploration corporelle dirigée par quatre chorégraphes de générations et d’horizons différents – Mariko Tanabe, Sarah Dell’Ava, Eduardo Ruiz Vergara et Geneviève Ackerman – afin d’explorer en mouvement des avenues et des visions divergentes de la deuxième Partita de Bach. Elle présentera le travail en cours avec la chorégraphe Mariko Tanabe.

Questions soulevées par ces recherches : quels sont les paramètres musicaux que le mouvement dansé arrive ou non à faire ressortir ? Quels sont les défis du passage d’un médium à l’autre ? De la perception auditive à la perception kinesthésique ? La place du corps de l’interprète et son pouvoir de partage avec le public?
N.H

  • Bach en corps : Annabelle Chouinard, Mariko Tanabe
  • La dynamique corporelle des chefs de chœur au prisme de l’OAM : Geneviève Dussault, Nicole Harbonnier
  • La danse percussive explore le groove : Antoine Turmine
  • Association musique-mouvement par l’Observation-analyse du mouvement (OAM) : Justine Pelletier, Nicole Harbonnier, Myriam Arseneault, Antoine Turmine

Conférenciers.cières

  • Nicole Harbonnier, professeure au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal depuis 2004 où elle enseigne des cours d’analyse du mouvement et d’éducation somatique, spécialisée en Analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé.
  • Geneviève Dussault, détient une maîtrise en danse de l’Université York de Toronto (1991) portant sur l’analyse comparative du Bharata-Natyam et de la danse baroque, certifiée en analyse du mouvement du Laban/Bartenieff Institute of Movement Studies (1996), chargée de cours au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal.
  • Antoine Turmine, titulaire d’un baccalauréat en danse contemporaine (2014) et d’une maîtrise en danse (2020) de l’UQAM, issu du milieu des danses traditionnelles et folkloriques, il se définit comme un artiste en danse investi dans une démarche où le rythme, le son et le corps en mouvement sont à l’avant-plan.
  • Annabelle Chouinard violoniste, étudie présentement au Conservatoire de musique de Montréal dans la classe d’Anne Robert.
  • Mariko Tanabe, interprète-chorégraphe
  • Myriam Arseneault, interprète-créatrice diplômée du Département de danse de l’Université du Québec à Montréal en 2017.
  • Justine pelletier, diplômée de la Juilliard School (M.Mus) et de l’Université de Montréal (D.Mus) où elle enseigne l’interprétation du piano à titre de chargée de cours depuis 2016. Elle est actuellement rattachée au Laboratoire des arts vivants et interdisciplinaire (UQAM).

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LE SON AU DELÀ DU TIMBRE

Édition 2021

L’utilisation de l’instrument de musique au-delà de sa fonction initiale a déjà été largement abordée par les compositeurs, les improvisateurs, les concertistes spécialisés dans la musique savante, toutefois peu d’avancés dans l’implication « sonore totale » ont été théorisées, explicitées, développées; elles ne peuvent donc pas être enseignées et sont rarement utilisées par manque de formation  et de formateurs.

Dans cette table ronde, il s’agira d’aborder les recherches abouties de certains concertistes, interprètes ou improvisateurs qui ont dépassé le fait de faire de la musique. Pour simplifier, on peut dire que lorsqu’ils jouent, ils ne jouent pas,  ils « sont la musique » en tant qu’il n’y a plus de  distance entre le son, la personnalité de l’interprète et son instrument…Existe -t-il une démarche pédagogique autre capable de révéler cet état et par là même, libérer les potentialités sonores de chaque instrument de musique qui dès lors  pourrait voyager au-delà de son timbre originel ? Une approche différente de la chose sonore semble nécessaire, le corps physique et le mental sont profondément impliqués dans leur proximité, leur écoute, leur complicité et  leur connaissance du troisième partenaire qui est l’instrument lui-même; dans ce processus trois concepts semblent nécessaires pour aborder une telle démarche : l’ontophonie (l’être-son), l’éthophonie entendue dans le sens spinoziste de potentialité (que peut un son?) et l’affordance en concentrant le concept de Gibson sur la production sonore qui interroge comme l’éthophonie une potentialité mais qui l’associe à l’offrande. Le son en soi dans sa singulière liberté peut-il développer (chez le musicien et l’auditeur) une écoute fondamentale (autre concept) à partager.

Invité.e.s:

  • Philippe Leroux, compositeur, a enseigné à l’IRCAM Parisde 2001 à 2006. Depuis 2011, il est professeur agrégé de composition à la McGill Schulich School of Music.
  • Henry Fourès, compositeur, a été directeur du Conservatoire National Supérieur de musique et de danse de Lyon, dirige des séminaires à l’invitation d’universités européennes, est officier des Arts et Lettres, Chevalier du mérite et titulaire de la croix du Mérite Allemand (Verdienst kreuz).
  • Emilie Girard-Charest, violoncelliste, compositrice et improvisatrice se consacrant activement aux musiques nouvelles.
  • Jonathan Voyer, doctorat en études et pratiques des arts de l’université du Québec à Montreal (UQAM), membre du Centre d’études et de recherche sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora (CERIAS) et chargé de cours au Doctorat en Études et pratiques des arts de l’UQAM
  • AJ, poète pluriel.
  • Emmanuelle Lizère: modératrice

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Le concept de télépoésie

Édition 2020

Un concept séparant l’espace et le temps pour un acte poétique collectif relié.

La télépoésie : de télé du grec ancien tễle : loin (à distance) et de poésie du grec poïesis : création.
« La cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l’être » nous dit Platon dans Le Banquet. La poïésis est ici indissociable de la praxis, car en télépoésie, l’œuvre qui se fait de façon immanente, comme une performance dès lors qu’elle est fixée, a la faculté de devenir pérenne…

Il est important de revenir sur le concept d’immanence à propos de l’œuvre en train de se réaliser car bien souvent dans l’acte télépoétique les praticiens sont des improvisateurs en situation de perception et de captation d’énergies extérieures (transcendantes) qu’ils essaient d’harmoniser avec leur potentiel créatif acquis par l’expérience, la culture, le vécu, en fonction de leur « terrain perceptif » consubstantiel à leur singularité essentiale.

On l’aura compris, l’improvisation ici n’est pas considérée comme une posture mais bien comme un état ; état que l’on peut rapprocher de celui du chaman… un chaman toutefois bien particulier, car le rôle de celui-ci se limite à percevoir les énergies afin de les alchimiser en vibrations artistiques…

Mots-clés corrélés au concept de Télépoésie

-Reliance : entre les actants et le monde (humains, non humains, plus qu’humains…).
Sérendipité : pour un heureux hasard convoqué.
Rapports : deuxième genre de connaissances chez Spinoza (L’éthique).
Epokè: mise entre parenthèse du monde et réduction pour atteindre une intersubjectivité reliée

Reliance : L’être humain ne peut qu’exister dans la liance aux autres et à l’environnement qui lui permet de rester vivant ; toutefois certains aléas peuvent entrainer des ruptures. Apparaissent alors des déliances qui sont des traumatismes coupant l’humain de la globalité dans laquelle il évolue. Il faudra alors une reliance pour pouvoir retisser les liens fondamentaux qui lui permettront de vivre à nouveau parmi les autres dans la conscience de l’importance de l’écosystème. Cette position éthique est la base de la reliance. 

La télépoésie est une façon artistique de montrer sa nécessité, la différence de chacun servant la réalisation d’un projet collectif relié au monde naturel.

Le terme de reliance a été utilisé pour la première fois au début des années 1950 par des chercheurs qui l’ont appliqué à la presse et aux médias. Le concept de reliance apparaît en 1963 sous la plume de Roger Clausse comme un « besoin psychosocial (d’information) : de reliance par rapport à l’isolement ». Dans les années post-1968, ce concept s’impose sous l’impulsion de Marcel Bolle de Bal. À la notion de connexion, la reliance ajoute le sens, la finalité, l’insertion dans un système. 

La reliance ne peut se concevoir sans sa racine la liance et son antagonisme la déliance. La déliance se définie comme une absence de liens découlant de la rupture d’une liance ou d’une reliance. Edgar Morin, s’appuyant sur la théorie de l’inséparabilité, montre que le couple déliance-reliance constitue une des formes fondamentales de la vie. 

Jean-Louis LE MOIGNE pense que Gaston Bachelard aurait été heureux d’en disposer lorsqu’il s’interrogeait en 1934 sur l’irréductible complexité du concept de relation, en une formule qui garde toujours sa puissance : « Loin que ce soit l’être qui illustre la relation, c’est la relation qui illumine l’être ».

Sérendipité : Pour un heureux hasard convoqué. De l’anglais serendipity forgé par Horace WALPOLE en 1754, à partir du conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip de Cristoforo ARMENO, traduit par Louis DE MAILLY. Dans le monde francophone, le concept de sérendipité adopté dans les années 1980 prend parfois un sens très large de « rôle du hasard dans les découvertes ».
En 2014, une définition plus générale en a été donnée en langue française par Sylvie CATELLIN (1974), chercheure en sciences de l’information et de la communication : « l’art de découvrir ou d’inventer en prêtant attention à ce qui surprend et en imaginant une interprétation pertinente ». Cette dernière définition, si on y retire « ce qui surprend », se rapproche du concept de l’improvisation qui convoque le hasard ou le résultat d’un accident attentivement décrypté comme leBigidi de Lena BLOU « trébucher mais ne pas tomber » qui devient le moteur d’une façon de bouger (danse).

Lien : http://www.fr.lenablou.fr/fr/Lenablou/le-bigidi.html https://www.youtube.com/watch?v=u8Oojo5pJqg&t=24s

Rapports : Le deuxième genre de connaissances de Baruch SPINOZA (L’Ethique) : « …c’est la connaissance des rapports, à savoir, la manière dont mes rapports caractéristiques se composent avec d’autres, et dont mes rapports caractéristiques et d’autres rapports se décomposent…. Exemple : …je sais nager : ça ne veut pas dire forcément que j’ai une connaissance mathématique ou physique, scientifique, du mouvement de la vague ; ça veut dire que j’ai un savoir-faire, un savoir-faire étonnant, c’est-à-dire que j’ai une espèce de sens du rythme, la rythmicité. Qu’est-ce que ça veut dire, le rythme ? Ça veut dire que mes rapports caractéristiques, je sais les composer directement avec les rapports de la vague. Ça ne se passe plus entre la vague et moi, c’est-à-dire que ça ne se passe plus entre les parties extensives, les parties mouillées de la vague et les parties de mon corps ; ça se passe entre les rapports. Les rapports qui composent la vague, les rapports qui composent mon corps et mon habileté lorsque je sais nager, à présenter mon corps sous des rapports qui se composent directement avec le rapport de la vague. Je plonge au bon moment, je ressors au bon moment. J’évite la vague qui approche, ou, au contraire je m’en sers, etc… Tout cet art de la composition des rapports ». (Gilles DELEUZE : Les genres de connaissance, extrait du « cours sur Spinoza », Vincennes, 17/03/81 https://spinoza.fr/les-genres-de-connaissance-extrait-du-cours-de-gilles-deleuze/

Les rapports pour l’écoute intuitive et intersubjective entre l’acte que je suis en train de faire et ceux auxquels il est corrélé sans interférer sur eux … juste une alchimie un apprivoisement naturel vers une pensée nomade ou créole comme la pensée archipélique d’Édouard GLISSAN…

Epokè: Ici le sens est différent de son sens premier de interruption. La mise entre parenthèse du monde permet par réduction d’atteindre une intersubjectivité non dans l’oubli momentané du monde mais dans la conscience de sa reliance. La suspension du jugement est le point de départ de l’expérience de pensée qui convoque la vacuité comme espace entre. Il s’agit d’être le vide, comme état de conscience de l’oubli car si le je disparait, le il de l’objet disparait également, seule la vacuité demeure dans une absolue reliance tenue en quelque sorte par une pensée sans penseur, un état méditatoire proche de l’extase des grands mystiques…

Pour la télépoésie, entrer dans le cœur du phénomène provoqué par la proposition demeure un défi car celui-ci est dépendant de l’énergie émanant de la créativité « mystique » (dans le sens premier de qui confère au mystère) des actants. Il s’agit d’une énergie collective faite d’un entrelac de vibrations interreliées générant un ensemble de monades toutes autonomes et complémentaires, la difficulté de l’analyse se situe donc dans la multiplicité des sujets. La pensée interreliée de l’ensemble des actants, considérée comme substance en tant que substrat dont nait toute chose agit non sur les sujets mais sur les flux des énergies traversantes qu’ils émettent. Ce rayonnement résultant de cet acte collectif singulier entre dans une poétique de la reliance. « L’éternité » n’est pas loin pour un voyage dans l’instant par-delà la distance (l’espace). La phrase de Spinoza « à chaque instant j’expérimente mon éternité » semble particulièrement adaptée à la situation : mourir pour renaître vierge, équanime afin de revivre par l’expérience de pensée la force d’un égo collectif …vers l’avènement d’un groupe-individu.

Pour simplifier, gardons l’idée d’intersubjectivité afin de supprimer la distance entre l’observateur et la chose observée, un processus husserlien longuement développé par Krishamurti, mais qui semble déjà présent dans la pensée védique. S’adonner à la pensée c’est faire abstraction de notre environnement, le mettre un moment entre parenthèse afin de se retrouver nu face à notre propre vacuité en tant que monade contenant la totalité du monde mais n’en donnant que l’éclairage particulier de son ipséité. L’état-récepteur de l’improvisateur laissant son corps-instrument interpréter l’aléa, comme le nageur épousant la vague dans l’exemple de Gilles Deleuze ou soumis au bigidi de Léna Blou participe pour un temps au rééquilibrage des énergies. La sérendipidé est en quelque sorte son fond de commerce noble.

Origine du concept.

J’ai imaginé ce concept dans les années 1990 pour l’élaboration d’un projet sur l’espace et le temps intitulé Les horloges cosmiques dédié aux travaux du poète Russe Vélimir Khlebnikov. Implantation sur les cinq continents de structures plastiques méditatoires qui émettaient 14 fois par 24 heure (découpe d’un temps aléatoire tiré de la vision d’un temps poétique de Vélimir Khlebnikov)

Les Horloges Cosmiques. Les Horloges Cosmiques étaient des installations plastiques et sonores implantées en différents points du monde de novembre 1999 à janvier 2001. Les horloges étaient destinées à «accompagner» le passage dans le troisième millénaire reliées musicalement et poétiquement entre elles, elles ponctuaient le temps en émettant simultanément quatorze fois par 24h  (temps poétique) des «sonneries musicales» autonomes  et complémentaires 

Pour en savoir plus: 

Conférencier: AJ, poète pluriel.